Le début de l’année apporte son lot de changements dans le cadre réglementaire des substances biocides utilisées en Europe. Report de l’expiration de substances actives, nouvelles classifications de risque, CMR, perturbateurs endocriniens, évaluation comparative des AVK et analyses des alternatives… Ces ajustements tout droit venus de l’Agence européenne des produits chimiques (Echa) visent à répondre aux préoccupations croissantes en matière de santé publique et d’impact environnemental. Et ils impactent dans une certaine mesure fabricants, distributeurs et utilisateurs finaux !
Rodonticides : des reports de dates
Date d’approbation repoussée pour plusieurs rodonticides anticoagulants (AVK)
Le brodifacoum, la bromadiolone, la chlorophacinone, le coumatétralyl, le difénacoum, la diféthialone et le flocoumafen voient leur date d’approbation repoussée jusqu’au 31 décembre 2026.
Initialement prévue pour expirer le 30 juin 2024, leur validité a été prolongée suite à des demandes de renouvellement soumises à l’Agence européenne des produits chimiques (Echa).
Ces substances répondent à des critères d’exclusion sous le règlement (UE) n° 528/2012, ce qui implique des conditions strictes pour leur renouvellement d’approbation. Par conséquent, une évaluation complète est nécessaire.
En effet, elles sont reconnues comme toxiques pour la reproduction et certaines d’entre elles sont également classées comme persistantes, bioaccumulables et toxiques (PBT) ou très persistantes et très bioaccumulables (vPvB).
Une réévaluation est donc en cours de la part des autorités compétentes de plusieurs pays européens pour déterminer si elles peuvent continuer à être approuvées sous certaines conditions.
Le report de la date d’expiration permet de finaliser l’examen des demandes de renouvellement et prendre une décision pour leur approbation future.
Voir nos rodonticides non CMR.
Date d’approbation repoussée pour le cholécalciférol
Le cholécalciférol voit également son approbation pour les rodonticides prolongée jusqu’au 31 décembre 2025. En effet, l’autorité compétente suédoise a demandé le renouvellement de cette substance active. Mais il n’était pas possible de finaliser l’examen avant la date initialement prévue d’expiration, le 30 juin 2024.
Le cholécalciférol est considéré comme ayant des propriétés perturbatrices pour le système endocrinien qui peuvent causer des effets indésirables chez l’homme, un critère d’exclusion encore une fois selon le règlement (UE) n° 528/2012.
Ainsi, une consultation publique a eu lieu du 8 septembre au 7 novembre 2023 pour examiner les informations qui pourraient influencer la décision de renouvellement.
Le report de la date d’expiration permettra à la Commission européenne de prendre une décision éclairée sur son renouvellement, après avoir reçu l’avis de l’Agence européenne des produits chimiques prévu en mars 2024.
Consulter la Décision d’exécution (UE) 2024/733 de la commission du 28 février 2024 (cholécalciférol).
Évaluation comparative des AVK (anticoagulants)
La seconde évaluation comparative des antivitamines K (AVK) a abouti à une décision d’exécution de la Commission le 5 mars 2024. Cette décision prend en compte plusieurs aspects que nous vous présentons ci-après.
Il est nécessaire de consulter la Décision d’exécution (UE) 2024/816 de la Commission du 5 mars 2024 pour comprendre précisément les utilisations.
Diversité chimique des substances actives
La diversité chimique des substances actives dans les rodonticides autorisés est suffisante pour certaines utilisations (utilisations #4, #7 uniquement pour les souris domestiques, et #11), car elles présentent au moins trois modes d’action différents. Cela aide à réduire le risque de résistance des organismes nuisibles cibles.
Pour les autres utilisations, cette diversité n’est pas jugée suffisante pour éviter la résistance sans recourir aux rodonticides anticoagulants.
Risque global des substances actives anticoagulantes
Il n’est pas possible de hiérarchiser les risques des différentes substances anticoagulantes pour la santé humaine en raison des mesures de gestion des risques appliquées.
Les rodonticides anticoagulants de première génération présentent un meilleur profil de risque environnemental que ceux de deuxième génération. Mais ils représentent une part minime du marché.
Existence d’autres produits biocides ou méthodes non chimiques
Il existe des produits biocides alternatifs et des méthodes non chimiques pour la lutte anti-rongeur pour certaines utilisations spécifiques. Mais ils ne couvrent pas toutes les utilisations des rodonticides anticoagulants et ne sont pas disponibles dans tous les États membres.
Produits biocides alternatifs
- Alphachloralose : utilisée pour lutter contre les souris domestiques (utilisations #4, #7 uniquement pour les souris) et pour toutes les utilisations spécifiées.
- Phosphure d’aluminium libérant de la phosphine : utilisé pour certains rongeurs (Rattus norvegicus, Arvicola terrestris) dans les utilisations #8 et #9 comme fumigant.
- Dioxyde de carbone : utilisé comme piège pour les souris domestiques (utilisations #4, #7 pour les souris uniquement) et pour toutes les utilisations.
- Cyanure d’hydrogène : utilisé comme fumigant pour les utilisations #4 et #7 (uniquement pour les souris domestiques).
- Cholécalciférol : utilisé comme appât pour les utilisations #4, #7 (souris et autres rongeurs) et #11.
Méthodes non chimiques
- Pièges mécaniques : plaques de glu, pièges à capture vivante, pièges à trous, et pièges électriques pour les utilisations #1, #4, et #7 à l’intérieur des bâtiments.
- Modifications de l’habitat : implantation de prédateurs naturels, étanchéisation des bâtiments (proofing), et autres modifications pour empêcher l’accès des rongeurs.
- Ultrasons (répulsifs) : utilisés pour repousser les rongeurs par des ondes sonores qu’ils trouvent désagréables.
- Clôture laser et anneau d’égouts : technologies pour créer des barrières physiques empêchant les rongeurs d’entrer dans certaines zones.
Ces alternatives sont envisagées selon leur efficacité et leur faisabilité dans les différentes situations d’utilisation spécifiées dans les demandes de renouvellement d’autorisation.
Des inconvénients économiques et pratiques existent pour certaines alternatives comme le cyanure d’hydrogène et le dioxyde de carbone, en particulier en raison des conditions spécifiques d’utilisation et de maintenance.
Le dioxyde de carbone, l’alphachloralose, et le cholécalciférol présentent un risque global nettement moindre pour la santé humaine et la santé animale comparé aux rodonticides anticoagulants. Mais des préoccupations demeurent quant à l’impact environnemental du cholécalciférol et de l’alphachloralose.
Efficacité des méthodes non chimiques (souris)
Les pièges mécaniques rongeurs, lorsqu’ils sont utilisés conformément aux critères établis, sont considérés comme suffisamment efficaces pour le contrôle des souris à l’intérieur des bâtiments.
- Efficacité des pièges mécaniques : ils sont jugés efficaces pour les utilisations #1, #4, et #7 concernant la lutte contre les souris à l’intérieur des bâtiments.
- Critères d’utilisation : les pièges doivent répondre aux critères du guide NoCheRO, qui inclut des recommandations spécifiques sur la manière dont les pièges souris doivent être placés. Les utilisateurs doivent être informés de la manière correcte d’utiliser les pièges, y compris le choix de l’appât, le positionnement correct, et le nombre suffisant de pièges à utiliser.
- Maintenance des pièges : il est nécessaire de nettoyer les pièges souris rapidement après la capture pour éviter des problèmes d’hygiène et d’efficacité. Il est nécessaire d’inspecter les pièges régulièrement et de les réactiver pour qu’ils restent efficaces.
Insecticides : des reports de dates et une nouvelles substance active
Le jus d'ail traité thermiquement comme TP 19
Le Règlement d'Exécution (UE) 2024/893, adopté le 22 mars 2024, approuve l’utilisation du jus d’ail traité thermiquement comme substance active pour les produits biocides de type 19.
Cette approbation, valide du 1er juillet 2025 au 30 juin 2035, fait suite à une évaluation complète par l’Agence européenne des produits chimiques et l’autorité compétente d’Autriche. Le jus d’ail doit répondre à des conditions spécifiques d’utilisation pour assurer son efficacité et minimiser les risques pour la santé et l’environnement.
Consulter le Règlement d’exécution (UE) 2024/893 de la Commission du 22 mars 2024 (jus d’ail).
Date d’approbation repoussée pour l’indoxacarbe
La date d’expiration de l’approbation de l’indoxacarbe est reportée au 31 décembre 2026. Cette substance active est utilisée dans les produits biocides de type 18.
L’indoxacarbe est actuellement approuvé pour une utilisation dans les produits biocides insecticides, selon la directive 98/8/CE et le règlement (UE) no 528/2012. Une demande de renouvellement a été soumise en 2018. L’autorité compétente d’évaluation française a jugé nécessaire une évaluation exhaustive de la demande.
Des retards dans l’évaluation, dus à la nécessité d’évaluer des données supplémentaires concernant les spécifications de référence et les propriétés perturbatrices du système endocrinien, ont conduit à des reports de la date d’expiration initiale pour permettre l’achèvement de l’évaluation.
La dernière date d’expiration était fixée au 30 juin 2024, mais en raison des retards dans l’évaluation, cette date a été reportée au 31 décembre 2026 pour permettre la finalisation de l’examen de la demande de renouvellement.
Consulter la Décision d’exécution (UE) 2024/731 de la Commission du 28 février 2024 (indoxacarbe).
Date d’approbation repoussée pour le phosphure de magnésium (fumigation)
Le phosphure de magnésium voit sa date d’approbation repoussée jusqu’au 31 janvier 2026 pour son utilisation dans les insecticides (fumigation).
Il était déjà approuvé pour l’utilisation dans les produits biocides de type 18 selon la directive 98/8/CE, et cette approbation a été transférée sous le règlement (UE) no 528/2012.
Une demande de renouvellement de l’approbation a été soumise le 28 juillet 2020, et l’autorité compétente d’évaluation allemande a décidé qu’une évaluation exhaustive était nécessaire. En 2021, la date d’expiration avait déjà été reportée au 31 juillet 2024. Elle a été de nouveau reportée au 31 janvier 2026 pour permettre l’examen de la demande.
Le temps pour l’autorité compétente de préparer et soumettre le rapport d’évaluation et pour que l’Agence européenne des produits chimiques (Echa) élabore et soumette son avis, suivi de la décision de la Commission sur le renouvellement.
Consulter la Décision d’exécution (UE) 2024/787 de la Commission du 28 février 2024 (phosphure de magnésium).
Date d’approbation repoussée pour le phosphure de d’aluminium
La date d’expiration de l’approbation du phosphure d’aluminium pour son utilisation dans les rodonticides et les insecticides est reportée au 31 janvier 2026 le temps d’achever son évaluation. La date d’approbation devait initialement expirer le 31 juillet 2024.
Mais des demandes de renouvellement ont été soumises en février 2020.
L’autorité compétente d’évaluation allemande prévoit de soumettre les rapports d’évaluation du renouvellement à l’Echa au cours du deuxième trimestre 2024.
Consulter la Décision d’exécution (UE) 2024/732 de la Commission du 28 février 2024 (phosphure d’aluminium).
Classe de danger et CMR
Introduction de nouvelles classes de danger dans le règlement CLP
La Commission européenne introduit de nouvelles classes de danger pour les substances et mélanges chimiques dans le règlement CLP.
Ces changements, en vigueur depuis le 20 avril 2023, concernent notamment les perturbateurs endocriniens, et les substances persistantes, bioaccumulables et toxiques (PBT).
Voici en détail les nouvelles classes de danger:
- perturbateur endocrinien pour la santé humaine de catégorie 1, mention de danger EUH380 ; et de catégorie 2, mention de danger EUH381
- perturbateur endocrinien dans l’environnement de catégorie 1, mention de danger EUH430 ; et de catégorie 2 mention de danger EUH431
- persistant, bioaccumulable et toxique (PBT), avec la mention de danger EUH440
- très persistant et très bioaccumulable (vPvB), mention de danger EUH441
- persistant, mobile et toxique (PMT) mention de danger EUH450
- très persistant et très mobile (vPvM) mention de danger EUH451
Ces changements visent à améliorer la classification, l’étiquetage, et l’emballage des produits chimiques dans l’UE.
Les acteurs concernés – fabricants, importateurs, utilisateurs en aval et distributeurs – ont des périodes transitoires avant l’obligation de conformité en 2025-2028 pour les produits nouveaux et existants.
D’après le site de l’Echa, les nouvelles classes de danger devront s’appliquer:
- à partir du 1er mai 2025 pour les nouvelles substances mises sur le marché,
- le 1er novembre 2026 pour les substances déjà présentes sur le marché,
- à partir du 1er mai 2026 pour les nouveaux mélanges mis sur le marché,
- le 1er mai 2028 pour les mélanges déjà présents sur le marché.
©Echa
Agents chimiques CMR et exposition des travailleurs : nouveau décret
Le décret n° 2024-307 du 4 avril 2024, entré en vigueur le 5 avril 2024, établit des valeurs limites d’exposition professionnelle (VLEP) contraignantes pour certains agents chimiques, notamment le benzène, l’acrylonitrile et les composés du nickel.
Ce décret renforce également les exigences en matière de traçabilité de l’exposition des travailleurs aux agents chimiques classés comme cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR).
Valeurs limites d’exposition professionnelle (VLEP)
Le décret fixe de nouvelles VLEP pour certains agents chimiques dangereux afin de mieux protéger la santé des travailleurs. Ces valeurs limites sont destinées à contrôler et minimiser l’exposition des travailleurs à ces substances dangereuses.
Traçabilité de l’exposition
Le décret exige des employeurs qu’ils établissent une liste actualisée des travailleurs susceptibles d’être exposés aux agents CMR. Cette liste doit contenir des informations détaillées sur la nature, la durée et le degré d’exposition de chaque travailleur aux agents concernés.
Communication et conservation des informations
Les employeurs doivent tenir à disposition des travailleurs et des membres de la délégation du personnel du comité social et économique les informations contenues dans la liste de manière anonyme. De plus, cette liste doit être communiquée aux services de prévention et de santé au travail et conservée par eux pendant au moins quarante ans.
Application aux travailleurs temporaires
Lors de la mise à disposition d’un travailleur temporaire, les informations pertinentes doivent être communiquées à l’entreprise de travail temporaire par l’entreprise utilisatrice.
Ce décret s’inscrit dans le cadre de la transposition de la directive européenne (UE) 2022/431, qui vise à améliorer la protection des travailleurs contre les risques liés à l’exposition à des agents cancérigènes ou mutagènes. Les employeurs ont un délai de trois mois à partir de l’entrée en vigueur du décret pour se conformer aux nouvelles exigences.
Consulter le décret n° 2024-307 du 4 avril 2024.